Page 17 - Une Famille Volante
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Raid de Djanet - Novembre 1932




        8 novembre 1932, 7 h 25 du matin : Marcel Germain et Robert Volmerange décollent de Mai-
        son-Blanche avec l’objectif d’atteindre Djanet, oasis frontalière du Tassili à environ 2 700 kilo-
        mètres à vol d’oiseau d’Alger, située près de la frontière de la Tripolitaine (italienne à l’époque,
        actuelle Libye).

        Pourtant de nombreux sceptiques doutent du succès de l’aventure de ces deux audacieux, devant
        survoler une mer de sable sans fin, avec des cartes très incomplètes et en partie fausses. Leur
        frêle avion est le Caudron 286 Phalène F-ALZN, moteur Gipsy de 120 ch, sans radio.  Les plus
        aguerris des Sahariens les traitent de fous, ils allaient casser du bois. On va jusqu’à intervenir
        auprès du Gouvernement Général pour que leur soit refusé le ravitaillement aux étapes.

        Le lieutenant Robert Volmerange, officier de réserve, pilote de chasse de haute qualité, a fait toute
        la guerre de 14-18 comme observateur. Marcel Germain, pilote civil amateur, n’a son brevet que
        depuis neuf mois, mais il a l’énergie de ses 27 ans.
        Voilà que deux jours avant le départ prévu en secret, Taty, son épouse, tombe assez sérieusement
        malade. Robert Volmerange propose d’attendre, mais Taty dit à son mari : Partez ! c’est moi qui

        le désire.  Le Phalène est baptisé Taty, surnom de Mathilde Brossette, épouse de Marcel Germain.
        Voici donc nos deux pilotes envolés à 7 h 25. Ils doivent déjà se poser à Bouira à 8 h  25 pour une
        simple petite panne de bougie. Cela aurait pu survenir en plein Sahara, au milieu de nulle part,
        sans possibilité de dépannage. Ils repartent à 11 h 25, survolent Biskra à 13 h 40, mais doivent
        affronter un très mauvais temps depuis El-Kantara. La pluie, poussée par un fort vent debout,

        cingle sur les vitres de l’avion qui tangue dans les remous. Ils survolent Touggourt à 14 h 45
        toujours dans la tempête, en direction de leur première étape : Ouargla, mais de peur de ne pas y
        parvenir avant la nuit, ils décident de faire demi-tour et se posent à 15 h 45 à Touggourt.
        Le lendemain 9 novembre, ils quittent Touggourt à 6 h 45 avec une meilleure météo et parviennent,
        une heure plus tard, à Ouargla où ils sont chaleureusement accueillis par le commandant Carbellet,
        chef de l’Annexe. Celui-ci les renseigne sur leur futur parcours, leur signalant les pièges à éviter.
        Marcel et Volmerange doivent décliner son invitation à rester, leur objectif étant d’arriver avant
        le soir à Fort-Flatters. Ils redécollent donc à 10 h 05.

        À 10 h 52, ils passent au-dessus de Fort-Lallemand. Commence alors la partie la plus pénible
        de leur aventure, le vent de sable souffle en tempête, ils aperçoivent une caravane à l’arrêt, les
        dromadaires le dos tourné dans la direction du vent, les hommes cherchant un abri contre leurs
        ventres. Le bruit des grains de sable sur la carlingue ressemble à de la grêle. Bientôt, le halo
        blafard du soleil s’évanouit derrière un épais nuage grisâtre les privant de toute visibilité ! Les

        ailes de l’appareil geignent lamentablement. Ils sont contraints de voler très bas, à 50 mètres,
        parfois à 30 mètres, pour tenter d’apercevoir leur seul salut : la piste qui mène à Fort-Flatters.
        Ils tournent en rond mais ne trouvent pas le terrain, lequel est à 7 kilomètres du bordj. Dans une
        brève accalmie, ils devinent enfin le rond blanc d’aérodrome. Ils se posent, éreintés, ayant l’im-
        pression d’avoir accompli un véritable calvaire. Deux sacs remplis de sable servent d’amarres.
        Mais il leur reste encore à faire à pied, avec leurs valises, les 7 kilomètres qui séparent le terrain
        du bordj de Fort-Flatters !

        Le lendemain 10 novembre, après une nuit réparatrice, il leur faut regagner l’avion, faire le plein
        d’essence avec les moyens de fortune : en fait, de 7 heures à 11 heures, ils doivent transvaser
        180 litres dans le réservoir, 5 litres par 5 litres !

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