Page 19 - Une Famille Volante
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À 11 h 05, ils Décollent direction Amguid où ils se posent sans incident à 13 h 10, en suivant le

        balisage au sol. Avec Fort-Lallemand et Fort-Flatters, Amguid est un des principaux points d’eau
        du parcours Ouargla-Djanet. Cette étape leur permet enfin une demi-journée de détente, et ils se
        baignent dans la guelta où nagent des poissons. Des poissons au cœur du désert !
        Après l’étape réconfortante d’Amguid, ils s’envolent à nouveau le 11 novembre au matin pour
        Djanet, partie délicate car les cartes sont imprécises, les distances fausses, l’itinéraire Ouargla-Dja-

        net n’ayant jamais été exploré par voie aérienne. Perdus un moment, ils posent leur Phalène près
        d’un douar au pied du Tassili dénommé Hassi-Bouralha (24°45’N, 8°27’E) pour demander leur
        route. Plus tard, des touristes s’interrogeront sur des ornières parallèles : C’est la trace que nous
        conservons précieusement de l’avion qui, le premier, survola le Tassili des Ajjers.
        Les deux aviateurs naviguent en suivant les touffes d’alfa de la piste, leur fil d’Ariane, survolent
        des paysages chaotiques d’immenses roches noires, des sables blancs, roses ou jaunes. À vrai dire,
        nous nous lancions dans l’inconnu, rapportera le journaliste de L’Écho d’Alger, Marcel Baer.

        Enfin à 11 heures, ils survolent l’oasis, c’est Djanet ! Djanet (Fort-Charlet) est la principale oa-
        sis du Sahara oriental, siège de la Compagnie méhariste des Ajjers, et poste frontière à 100 km
        de Ghat alors occupée par une garnison italienne de Tripolitaine. Vers 11 h 30, à peine l’avion
        a-t’il fini de rouler sur le terrain créé par la place devant le bordj, que les deux héros du jour sont
        accueillis avec enthousiasme par la garnison et le capitaine Duprez en uniforme, arborant ses
        décorations et monté sur son cheval blanc. Il déclare :

        Quelle joie pour nous, que cette arrivée du premier avion et d’un avion français à Djanet, le jour
        de l’anniversaire de l’armistice ! Rappelons qu’à l’époque une heure d’avion équivalait à deux
        jours de camion et à une semaine de caravane.
        L’immense plateau des Ajjers, accidenté de crevasses profondes, avait été reconnu en 1906 par

        Touchard, les troupes y étaient entrées en 1908, une garnison permanente y avait été installée
        en 1911 par le capitaine Charlet, d’où le nom de Fort-Charlet. Le commandant de l’annexe des
        Ajjers ne cessait de réclamer au Ministère de l’Air une liaison aérienne, d’autant que les Italiens
        pouvaient déjà poser leurs appareils à Ghat, de l‘autre côté de la frontière avec la Tripolitaine.
        Du côté français un début de balisage tous les 100 km avait été décidé de Ouargla, capitale des

        oasis, à Djanet, mais voilà que ce 11 novembre 1932 un petit avion de tourisme piloté par deux
        pionniers, venaient d’ouvrir la route en se posant à Djanet.
        12 novembre 1932 : le retour se révélera moins problématique. Ils connaissent la route pour l’avoir
        faite à l’aller. Malgré leur appareil chargé et l’altitude de 1 100 mètres, le Phalène décolle comme
        une fleur pour revenir à Amguid, les deux aviateurs tenant à remercier l’adjudant Lapeyre de sa
        précédente réception. Ils quittent Amguid le lendemain à 5 h 45 pour Ouargla, avec un arrêt à
        7 h 50 à Fort-Flatters. Là, ils envoient des nouvelles par radio à leurs familles.

        Ils repartent de Fort-Flatters à 9 h 30 et atterrissent à Ouargla à 13 h 25. Nouvelle réception par
        le commandant Carbellet. Le 14 novembre nos aviateurs quittent Ouargla à 6 heures, survolent
        Touggourt, Biskra, M’Sila.  Vers 11 heures du matin, les pilotes qui s’affairent sur l’aérodrome
        de Maison-Blanche voient émerger la silhouette du Phalène : C’est Germain ! Leur avion se pose
        impeccablement à 11 h 10 arrivant directement de Ouargla, après ce périple de plus de 4 000 ki-
        lomètres en une semaine.

        Quel bon moulin que ce moteur Gipsy ! diront-ils à l’arrivée.
        On fête joyeusement les deux hardis aviateurs Marcel Germain et Robert Volmerange qui n’avaient
        pas prévenu de leur si proche retour.


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