Page 31 - Une Famille Volante
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Alger-Gao-Alger
Le 3 décembre 1933, cinq passagers embarquent : Robert Germain (cousin de Jacques et Marcel)
et son épouse, accompagnés de Georges Descamps et de son épouse, ainsi que de Madame De-
lesalle, épouse du secrétaire d’État à l’Aéronautique. Pour cette nouvelle expédition, c’est le De
Havilland Dragon F-AMTR qui est choisi, cap sur Gao (Soudan français, actuel Mali), ancienne
ville caravanière sur l’axe Ouest-Est, qui est restée un carrefour entre le Sahara et le Sahel.
Les cinq aventuriers passent près de deux semaines à chasser sur les rives du fleuve Niger, mais
doivent rentrer à Alger pour accueillir le ministre de l’Air, Pierre Cot ainsi que Charles Delesalle
secrétaire d’État à l’Aéronautique.
C’est dans cette même année 1933, le 7 octobre, que la Compagnie Air France vient d’être créée
par le gouvernement Daladier, avec le regroupement de cinq compagnies aériennes françaises :
Air Union, Air Orient, SGTA (Société Générale de Transport Aérien), CIDNA (Compagnie In-
ternationale de Navigation Aérienne) et la glorieuse Aéropostale.
Le Dragon entame donc son vol de retour le 15 décembre au matin, avec une étape sans escale de
Gao à Reggan (Algérie) où il atterrit le soir. Le lendemain samedi 16, Robert Germain décolle tôt
de Reggan, fait escale à Colomb-Béchar pour ravitailler, et rejoint Alger où il se pose à 16 h 45.
Cet atterrissage du retour va se révéler assez spectaculaire. En effet ce jour-là sont attendus en
grande pompe à Alger Pierre Cot et Charles Delesalle cités plus haut, et pour l’occasion une foule
nombreuse s’est déplacée dès 13 heures à Maison-Blanche avec toutes les personnalités admi-
nistratives et militaires : le gouverneur général, le secrétaire général, le colonel Normans, chef
ème
de la maison militaire, le général Noguès commandant la 19 Corps d’armée, le commandant
Pique-Aubrun, l’amiral de Peytes de Montcabrier, le commandant Quémard, le Préfet Atger,
ème
William Billion du Plan président de l’Aéro-club d’Algerie, etc. Une compagnie du 8 Tirail-
leurs est prévue pour rendre les honneurs, sous le commandement du colonel de Saint-Maurice.
Mais voilà que le trimoteur ministériel Bloch se fait attendre. Pour faire patienter la foule, la mu-
sique du régiment fait retentir une brillante Marseillaise. Cependant l’attente continue, de plus
en plus pénible. On regarde évoluer les avions de l’Aéro-club, on visite les hangars. Enfin, vers
16 heures un communiqué arrive : Une très forte tempête de neige sévissant dans la région pyré-
néenne et le nord de l’Espagne, M. le Ministre de l’Air a dû interrompre son voyage et retourner
à Perpignan. Le ministre compte repartir demain si les conditions météorologiques le permettent
pour atterrir à Maison-Blanche à une heure qu’il n’est pas possible de préciser encore.
Alors que la foule présente, venue en nombre accueillir le ministre, commence à quitter lentement
le terrain de Maison-Blanche, c’est à ce moment-là que l’on voit arriver et se poser dans un grand
style le Dragon, revenant de Gao avec Robert Germain et ses passagers. Le rendez-vous prévu
entre Mme Delesalle arrivant du grand sud et son mari le secrétaire d’État venant de métropole
avait pourtant été bien synchronisé, mais sans compter sur les caprices de la météo.
Faute de ministre bloqué par les neiges, ils sont reçus à leur descente de l’appareil par M. Dome-
nach, chef d’aérodrome. Tous les cinq semblent frais et dispos après ce voyage de quinze jours,
enchantés de leur séjour sur les bords du Niger, et relatent leur expérience aux personnalités
réunies dans le club-house.
À la surprise de l’assistance, ils sortent de leur panier, où elles étaient frileusement enveloppées,
deux petites autruches qui, nullement intimidées par les personnalités, se mettent à picorer les
miettes du buffet.
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