Page 43 - Une Famille Volante
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à leur disposition, tandis que les frères Jacques et Marcel prennent place dans la pirogue chargée

        du ravitaillement de carburant. Le trajet retour à travers la mangrove de palétuviers se fait dans
        une nuit noire, avec de multiples échouements sur les bancs de sable du fleuve. Malgré tout, vers
        6 h 30 du matin, cette équipée parvient à l’avion abandonné à ses fiers gardiens. Après avoir dû
        débarquer avec leur cargaison au large de la plage au moyen de pirogues, les aviateurs-navigateurs
        peuvent aussitôt ravitailler le Dragon.

        Le bimoteur s’extirpe à nouveau de la plage et reprend son envol pour la proche Douala où ils
        atterrissent un quart d’heure plus tard sur un très bon terrain. Ils sont accueillis par l’administra-
        teur Monsieur Michel, très inquiet. Il les attendait depuis deux jours. Nous sommes le 17 janvier.
        Après s’être réconfortés et avoir narré leur aventure, ils n’oublient pas de demander une carte
        avant de poursuivre leur périple panafricain en direction de Lagos (Nigeria). Mais le brouillard
        persistant les oblige à naviguer au compas jusqu’à Lagos où ils se posent après 5 heures de vol.
        Ici le terrain est quasiment inexistant !
        Le lendemain 5 heures du matin : Nous eûmes toutes les peines à nous envoler de Lagos. Sitôt

        après le décollage, nous nous trouvons en face d’une maison et d’un palmier. Il fallait à tout prix
        passer entre les deux et nous passâmes en deux temps, virant sur l’aile gauche pour éviter la
        maison, puis sur la droite pour éviter le palmier, qui heureusement n’étaient pas sur le même plan.
        L’étape suivante est Cotonou (Dahomey, actuel Bénin) où ils sont reçus aimablement par le délé-
        gué. Après les deux nuits quasi blanches dans la mangrove littorale du Cameroun, ils décident de

        prendre ici un peu de repos bien nécessaire. Ils ne repartent de Cotonou que le lendemain, pour
        Niamey (Niger), qu’ils atteignent après 5 h 30 de vol, une des deux plus longues étapes.
        Les voilà bientôt de retour au Sahara, partis de Niamey à 6 h 20 ils se posent à Gao deux heures
        plus tard. Ils commencent à sentir l’écurie et voient s’approcher le jour où ils pourront retrouver
        leurs familles à Alger. Cependant le Dragon a besoin d’une révision. Ils profitent de cette journée
        pour aller chasser et se balader en pirogue, malgré leur expérience de ce type d’embarcation les
        jours précédents au Cameroun. Le soir ils assistent à une fête donnée en l’honneur du Ramadan.

        Il leur faut maintenant boucler la boucle. Le 21 janvier sera une longue journée : Gao-Bidon V-Re-
        ggan-Timimoun, soit près de neuf heures cumulées de vol, de 6 heures du matin jusqu’à la nuit
        tombante, après avoir survolé Adrar. Bidon V au milieu de nulle part, doit son nom au balisage sur
        1 000 kilomètres de la route du Tanezrouft par le lieutenant-aviateur Georges Étienne en 1926. Il
        avait installé pour le compte de la CGT (Compagnie Générale Transsaharienne) 16 dépôts distants
        chacun de 50 km entre Tessalit et Reggan. Il s’agit de simples bidons sous lesquels sont enfouis

        des fûts contenant des réserves d’eau pour les voyageurs de passage assoiffés.
        Sans relâche, dès le lendemain le Dragon toujours vaillant et ses quatre passagers continuent leur
        route de Timimoun vers Laghouat, avec escales à El-Goléa et Ghardaïa. Le mauvais temps les
        contraint à naviguer au compas. Après un atterrissage délicat à Ghardaïa sous un violent orage,
        le trajet vers Laghouat rencontre encore des conditions météo difficiles et même de la neige. Le
        pilote grelotte à son poste. À Laghouat ils trouvent un terrain boueux, et si près du but, à trois
        heures d’Alger, ils doivent patienter dans cette oasis en attendant une amélioration des condi-
        tions atmosphériques devenues exécrables. Ils apprécient le confort de l’Hôtel Transatlantique !

        M. Boillet, correspondant local de La Dépêche Algérienne, profite de cette immobilisation pour
        recueillir une longue interview.
        Le 23 janvier, impatients de retrouver leurs foyers, ils prennent des renseignements météo, et
        décident malgré tout vers 10 h 30 de reprendre leur envol. Le Dragon doit grimper à 4 000 mètres
        pour naviguer au-dessus de la mer de nuages. Vers 11 h 15 ils peuvent voir Boghari dans une

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