Page 45 - Une Famille Volante
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trouée, mais décident de continuer cap sur Alger. Ils passent l’Atlas sans le voir. Dans une nou-

        velle trouée, ils réalisent qu’ils survolent la mer et aperçoivent un chalutier. Ils inversent alors
        le cap, réduisent les moteurs, s’engouffrent dans ce passage entre les nuages et reconnaissent
        bientôt la Pointe Pescade.
        Les journalistes, prévenus par leur correspondant de Laghouat, sont accourus à Maison-Blanche,
        les yeux rivés vers le sud, guettant la silhouette du biplan, mais voilà que le Dragon se profile

        arrivant du nord à basse altitude au-dessus de la mer. Après un tour de reconnaissance au-dessus
        des pistes, les quatre héros du jour dans leur valeureux Dragon réalisent un atterrissage parfait à
        12 h 20, bouclant ainsi le premier tour aérien complet d’Afrique.
        Le bimoteur vient stopper face aux hangars, sans fatigue apparente de son long voyage. Jean
        Germain père, étonnant de jeunesse, sort le premier. Ils sont accueillis par Jean-Baptiste Germain,
        le troisième fils, privé du voyage pour garder la maison, et par M. Faurien, directeur de la Shell.
        Le docteur Alcay, médecin de l’expédition, fait un compte rendu néant sur l’état sanitaire de
        bord, et ne tarit pas d’éloges sur la fougue, l’allant et la résistance de ses compagnons de route.

        Sur le chemin du retour vers Alger, ils croisent de nombreuses voitures d’amis accourus vers
        Maison-Blanche, qui font demi-tour quand ils reconnaissent la voiture des Germain.
        Le soir même, chez Jean Germain à Emerald Park, une longue interview sera donnée aux divers
        journaux d’Alger : Ce voyage merveilleux de quelque 30 000 kilomètres autour de l’Afrique leur
        a permis de survoler les possessions anglaises, portugaises et françaises du sud de l’Afrique et le

        retour par cet admirable Sahara, terre d’élection de l’Aviation... Et lorsque nous avons quitté leur
        somptueuse demeure, nous avons emporté le souvenir d’une famille heureuse de se retrouver pour
        entendre le récit des visions inoubliables du magnifique périple. L’Écho d’Alger n’oubliera pas
        l’accueil si simple et si charmant fait à son reporter par les hardis voyageurs aériens. Rapportera
        Pierre Laffargue. Les frères Jacques et Marcel Germain déclarent que l’accueil fut partout le plus
        cordial et souvent enthousiaste. Ils insistent également sur l’organisation impeccable, l’amabilité
        et le dévouement des agents du Service Aviation Shell, sans lesquels un tel voyage n’aurait pu
        être entrepris. À chaque étape ils ont pu trouver l’essence Aviation Shell, l’huile AeroShell et tous
        les avantages du Service Shell ! (…pub gratuite). Le bilan de ces 133 heures de vol du Dragon
        totalise une consommation de 6 234 litres d’essence et 226 litres d’huile. Chacun des moteurs
        aura consommé moins de 24 litres d’essence par heure.

        La revue Le Manche à Balai tirera les conclusions suivantes de ce tour d’Afrique :
        1 - Il existe sur les côtes est et ouest de l’Afrique un réseau de terrains bien aménagés, distants au

        maximum de 400 kilomètres, sans parler des terrains de secours, ce qui permet d’envisager des
        voyages de tourisme, mais aussi de réaliser de nouvelles lignes aériennes commerciales. Certains
        terrains n’avaient encore reçu la visite d’aucun avion, jusqu’à la visite du Dragon des Germain.
        2 - Ce voyage a contribué au prestige de la France à l’étranger, à chaque étape un accueil très
        chaleureux leur fut réservé. Il faut espérer que de nombreux aviateurs se lanceront sur la voie
        tracée par les Germain.

        3 - L’aviation de tourisme dispose désormais d’appareils fiables. Témoin en est ce bimoteur
        Dragon qui n’a pas rencontré d’ennui majeur durant ces 133 heures de vol panafricain.
        Le samedi 3 février est organisée une grande réception par l’Aéro-club d’Algérie à Maison-Blanche

        pour consacrer officiellement la réussite de ce voyage. Tout le monde de l’aéronautique algé-
        rienne est présent à cette fête pour féliciter les aviateurs. À leur retour à Alger, les frères Jacques
        et Marcel Germain, ainsi que leur père Jean, apprennent dans le dernier exemplaire de La Presse
        Libre, qu’ils sont : la plus grande famille volante du globe !
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