Page 41 - Une Famille Volante
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été prévenu par Pointe-Noire de l’arrivée des Germain à Port-Gentil, et d’autre part, ils sont les

        premiers aviateurs à se poser sur ce terrain !
        Le dimanche 14 janvier, ils arrivent à Libreville (Gabon) où ils sont reçus en grande pompe par
        le gouverneur général qui leur offre l’hospitalité pour la nuit à la Résidence.

        Au décollage du lendemain, le Dragon se trouve entouré d’une multitude de femmes et d’enfants,
        ainsi que des Pères Blancs venus assister au départ des aventuriers de passage. Ils ne manquent
        pas de faire un survol d’adieu à cette population accueillante, mais après le survol de la Guinée
        équatoriale espagnole, ils se retrouvent rapidement en pleine brume au-dessus de forêts de plus en
        plus denses à l’arrivée sur le Cameroun français. L’avion dérive ainsi trop à l’est de l’estuaire de
        Douala et ils n’ont pas de carte de cette région ! Ils doivent voler à basse altitude et ne voient que
        de l’eau, des arbres et des petites plages impraticables. La nuit-tombant, ils doivent se résoudre
        à virer pour atterrir, risquant le tout pour le tout, sur une petite plage qu’ils avaient repérée sur le
        littoral au bord de la mangrove. Le Dragon parvient à se poser, mais la plage est encombrée de
        nombreuses billes de bois, l’obligeant à louvoyer pour éviter la casse ! Heureusement, les frères

        Germain s’étaient sérieusement exercés à de multiples décollages et atterrissages courts sur leur
        terrain de Mouzaïaville, avant ce long voyage. Ils sont soulagés d’avoir pu se poser sur cette plage,
        mais les voilà bientôt entourés d’indigènes intrigués, pêcheurs sortis de la mangrove. Jacques les
        décrira comme : De superbes athlètes qui les interpellent en français, en commençant chacune
        de leurs phrases par ‘Pardon Monsieur’. Ils sont bien sûr très curieux, posant toutes sortes de
        questions sur l’appareil, sa vitesse, etc. Très accueillants, ils leur apportent des bananes et des
        noix de coco pour le dîner.

        Les quatre aviateurs doivent donc coucher sur cette plage, les uns dans le Dragon, les autres sous
        ses ailes. Mais ces derniers doivent rapidement déménager et se regrouper dans la carlingue, sous
        la menace de crabes géants attirés par les débris des noix de coco du dîner ! Dès le réveil - on
        ne sait pas si la nuit fut bonne - ils font déblayer la plage par 25 indigènes costauds motivés qui
        dégagent les billes de bois pour tenter un décollage. L’un d’entre eux affirme alors qu’il connaît
        bien Douala et propose à l’équipage de les y guider. Le Dragon est repoussé à l’extrémité de
        la plage pour avoir la piste d’envol la plus longue possible. Il parvient à s’extraire avec toute la
        puissance de ses deux moteurs, mais ne voilà-t-il pas que le passager embarqué trouvant que
        l’avion va trop vite, se trouve pris soudain d’une frousse intense et demande à descendre ! Ils

        sont donc contraints à un nouvel atterrissage sur la plage pour débarquer leur guide improvisé.
        Le pilote s’aperçoit alors qu’après ce retour acrobatique au point de départ, et n’ayant pu refaire le
        plein après le parcours de la veille, les réservoirs du Dragon seront à bout d’essence pour repartir.
        Vu la situation, il ne leur reste plus qu’une chose à faire pour continuer : se rendre en pirogue à
        travers la mangrove jusqu’à Douala pour trouver de l’essence ! Le voyage est entrepris en com-
        pagnie de sept gaillards pagayant en cadence au rythme de mélopées malè-malè. Les touristes en

        perdition ont bien du mal à se maintenir en équilibre dans l’embarcation. Après quatre heures de
        navigation peu confortable, ils font escale à Soelaba (actuelle Pointe Suelaba), village perdu dans
        la mangrove, où ils peuvent se restaurer d’ananas délicieux dans une ancienne maison autrefois
        habitée par un colonel. Puis les piroguiers remontent jusqu’à la petite île de Manoka (3°51’19‘’N
        – 9°36’53’’E) où ils sont reçus à bras ouverts par Fernand Drotz, directeur d’une exploitation de
        bois, la Société Nationale du Cameroun.
        Monsieur et Madame Drotz leur offrent une réception royale et l’hébergement pour la nuit, nuit

        bien courte, car à minuit ils doivent déjà prendre le chemin du retour vers l’avion, avec leur pré-
        cieux chargement d’essence. Jean Germain et le docteur Alcay embarquent sur un remorqueur mis

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