Page 39 - Une Famille Volante
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Nos pilotes-aventuriers, quelque peu fourbus par cette première partie du voyage, s’accordent
trois jours de repos durant lesquels ils visitent la ville.
10 janvier 1934 : la remontée du Cap vers Alger. Nous repartîmes pour faire notre plein d’essence
à Port-Nolloth, où nous atterrissons sur un lac salé desséché, entourés immédiatement par les
habitants du village.
Après cette première étape de trois heures et demie, et une fois le plein fait à Port-Nolloth (Na-
maqualand, Afrique du sud), ils survolent des rochers occupés par des otaries à fourrure et des
flamands roses, avant d’arriver quatre heures plus tard sous une pluie battante à Walvis Bay (baie
des Baleines, actuelle Namibie), enclave alors administrée par l’Afrique du sud.
Le lendemain 11 janvier, ils continuent leur remontée de l’Afrique en suivant la côte atlantique,
ils survolent une région désertique pendant 900 kilomètres jusqu’à Mossamédès (Moçâmedes,
nom actuel, Namibe) en Angola, où le Dragon se pose en territoire portugais, après… 5 h 45 de
vol ! étape la plus longue de leur périple. Mais la journée n’est pas encore terminée : courageux,
ils redécollent pour une nouvelle étape de plus de trois heures jusqu’à Saint-Philippe-de-Benguela
où ils se posent à 18 h 15 sur le terrain de golf qui fait office de piste d’atterrissage.
Ce jour-là, depuis Walvis Bay, ils auront voyagé de 6 h 50 à 18 h 15 dont neuf heures de vol. Les
colons portugais leur réservent un accueil très chaleureux, tant à l’escale de Mossamédès qu’à
leur arrivée à Benguela : Les habitants nous reçurent avec un empressement au-dessus de tout
éloge, ils ne savaient que faire pour nous être agréables.
12 janvier. Le Dragon tient toujours le coup. Ils continuent la traversée de l’Angola, en suivant la
côte abrupte dans un ciel couvert, jusqu’à Saint-Paul-de-Loanda (Luanda, actuelle capitale), der-
nière des trois villes littorales de la colonie portugaise. Après cette escale technique, ils survolent
une végétation de plus en plus dense avant d’atterrir à Pointe-Noire (Congo français, actuelle
République du Congo), mais, ils se trompent de terrain, et doivent repartir à la recherche du bon.
Les quatre aventuriers apprécient d’entendre à nouveau parler français, après avoir traversé tous
ces pays anglophones depuis l’Égypte, ou lusitanophone (sic) depuis la frontière sud angolaise.
La ville de Pointe-Noire est alors en pleine effervescence avec le chantier du CFCO (Chemin de
Fer Congo-Océan) en cours d’achèvement cette année 1934, pour relier notamment les 500 ki-
lomètres qui séparent Brazzaville de l’Atlantique.
Ils en repartent le 13 janvier, mais doivent bientôt faire face à un gros orage et à des tornades. Le
Dragon louvoie et vole tantôt sur la mer, tantôt au-dessus des terres. Alors qu’ils sont parvenus
sur la forêt équatoriale, le manomètre de l’appareil indique une baisse de la pression d’huile au
moteur droit. Jacques Germain décide de se poser en pleine brousse, dans une clairière à peu près
plate, mais dérangeant un troupeau de buffles. Un malheur arrivant rarement seul, ils constatent
alors que la béquille arrière du bimoteur est cassée, sans doute depuis l’atterrissage de Pointe-
Noire. Ils réajustent le niveau d’huile avec la réserve d’AeroShell embarquée, puis s’affairent
sans outil vraiment adapté à une réparation de fortune de la béquille arrière, celle de rechange
embarquée ne convenant pas.
Cependant cette journée du 13 n’est pas encore terminée. Le Dragon, rechargé en huile et roulette
de queue rafistolée, parvient à s’extraire de la brousse, cap sur Port-Gentil (Gabon). Mais voilà
que le terrain est inondé après un fort orage, et ils se posent… dans l’eau !
Précédés de l’administrateur, tous les habitants du secteur se précipitent, curieux, pour venir
les accueillir. Nos aviateurs sont obligés de se déchausser pour descendre de l’appareil. On leur
fait apporter des sandwiches. Un tel empressement s’explique : d’une part, l’administrateur a
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