Page 25 - C'est la Faute aux Oiseaux

Ça n’existe pas ? Eh bien, vous allez voir !

... Suite :

Mon pauvre ami trouve aussi bête que lui pour lancer son moteur à l’hélice, ce que j’ai tout de
même refusé de faire, il s’aligne froidement face au camion et il met la gomme.
Le tout petit avion obéit à son tortionnaire et fonce rageusement sur le camion, brusquement il
se cabre, l’hélice passe, le train d’atterrissage passe… c’est presque vrai ce qu’il a dit ! Mais hé-
las, la béquille touche durement, l’avion bascule en avant et percute le sol vingt mètres après le

camion. Du tout petit avion, qui n’a jamais été si petit, mon ami s’extirpe, parfaitement indemne.
Si l’avion et l’hélice sont quasiment pulvérisés, le moteur paraît intact et il se confirme qu’il l’ est
en effet. Eugène Jamme est là, il enlève l’épave pour une bouchée de pain ! Et c’est ainsi que le
point d’interrogation qui figurait le moteur sur la planche à dessin fut remplacé par un excellent
moteur à réducteur développant 75 ch et entraînant une hélice lente d’un excellent rendement.

Dès lors, les modifs du J-4 sont menées rondement et le J-5, baptisé Jeanne d’Arc, apparaît bientôt
dans toute sa splendeur. Il est de lignes agréables, peint en alu et bleu de France, il porte, bien
entendu, les armes fleurdelisées de Jeanne.
Cet avion se révèle être une très bonne machine : Renversement et boucles enchaînées ne posent

aucun problème, un peu mou aux ailerons il permet cependant de tourner un tonneau assez cor-
rectement. Il subit les épreuves nécessaires et obtient le CNRA.
Nous faisons un tas de choses avec cet avion : Des atterrissages à contre pente en montagne, du
vol de nuit, du remorquage de planeurs et je ne sais quoi encore.

En août 1939, l’armée de l’Air fit appel à ma bien modeste collaboration dans une Campagne
contre l’Allemagne puis me rendis ma liberté en 1940 parce que la stratégie napoléonienne, sans
doute mal appliquée, n’a pas donné cette fois les bons résultats escomptés.
Les commentateurs ne font pas défaut dès qu’il s’agit d’analyser les structures de la gigantesque
gifle reçu de l’Allemagne ou les combinaisons subtiles qui nous permettront de contribuer à ce
qu’elle soit retournée avec usure à son auteur. Je dirai simplement ici qu’elle engendre une situation

toute nouvelle et pleine d’inconvénients. Ces inconvénients vont de la gravité la plus effroyable
à la quasi insignifiance, mais assurément, cette situation ne présente que des inconvénients et
aucune espèce d’avantage. Il n’y a donc pas lieu de s’y complaire.
Ceux qui ne savent pas ce que voler veut dire classeront dans les inconvénients quasi insignifiants
les germaniques limitations s’appliquant aux activités aéronautiques des Gaulois. Ma classifi-
cation étant toute différente, mon problème est de ne tenir aucun compte de ces limitations...
et de m’arranger pour ne pas me faire coincer. Le J-5 F-PAAV est retiré en vitesse des circuits

contrôlables et les traces de son existence administrative sont effacées aussi soigneusement que
possible, le petit avion disparaît dans la nature, bien camouflé par des meules de pailles.
Dès lors, c’est l’affaire de clair de lune, d’un peu d’essence et de beaucoup d’alcool de prove-
nances variées. Avec un peu d’essence pour les mises en route, beaucoup d’alcool et un excellent
mécano, on peut faire tourner un 75 ch Pobjoy à peu près à son régime, c’est prouvé !

Dès que la pleine lune approche, on y voit presque comme en plein jour et les gens conservent
cependant l’habitude de dormir puisque, théoriquement, il fait nuit.
Pour être heureux, il suffit donc de mettre en route, de décoller et de vivre sa vie de pilote pendant
que les autres mènent leur vie de terriens.

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