Page 13 - C'est la Faute aux Oiseaux
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Le Morane 35 est un monoplan parasol à aile sans aucune flèche. Une cabane en tubes d’acier
supporte deux demi ailes qui s’y articulent. Le poste de pilotage avant, qui est celui du moniteur,
est situé sous la cabane. Au-dessus de l’aile, un pylône supporte des fils d’acier, les cordes à piano
qui rejoignent les deux demi ailes en plusieurs points de leur extrados pour les soutenir au sol et
pour encaisser les efforts en vol inversé. D’autres cordes à piano partent de ces mêmes points,
mais à l’intrados des demi ailes, et vont se fixer au bas de la carlingue, celles-ci encaissent les
efforts en vol normal. Toutes ces cordes à piano sont munies de tendeurs au moyen desquelles
leur tension est subtilement réglée par les mécanos, il n’empêche qu‘elles vibrent sans arrêt dès
la mise en route du moteur.
Point fixe : je sens sous les doigts de ma main gauche les deux manettes air-essence qui répètent
les mouvements différentiels que leur imprime mon moniteur. Dans ce temps-là le plein gaz
s’obtient par déplacement des manettes vers l’arrière et il en sera ainsi en France jusqu’après la
guerre 39-45.
Le moteur monte en régime avec un bruit très caractéristique, sans aucun rapport avec celui des
moteurs non rotatifs qu’ils soient en étoile ou autrement. Retenu par les cales, l’avion s’ébroue
sur ses longues pattes d’échassier. Manche au ventre, l’empennage frétille de façon spectaculaire.
Sélection des magnétos, c’est jugé bon. Le régime du moteur est réduit à fond.
Charles Castex attrape les cordes des cales avec une prudence de vieux renard. Sur cet avion le
plan de rotation de l’hélice passe très près des roues, un coup d’hélice en cours de mise en route
ça peut se digérer mais un coup d’une hélice en route pardonne plus rarement.
L’avion roule en cahotant sur ses amortisseurs à sandows, dirigé à coups de moteur soufflant la
gouverne de contrôle de l’axe de lacet car les freins sont inconnus sur ce matériel. Cahin-caha il
va se placer face au vent d’ouest, faible ce matin là.
Décollage : à gauche du rond.
Atterrissage : à droite du rond.
Le rond est un cercle qui matérialise le centre du terrain d’aviation omnidirectionnel. Il porte
souvent inscription du nom de la ville la plus proche. La direction du vent, donnée par la biroute
et par le T, engendre une ligne imaginaire passant par le centre du rond et divisant le terrain en
deux parties : l’une réservée aux décollages, l’autre réservée aux atterrissages.
Les deux manettes à fond en arrière, le régime monte. Les manettes jouent pour trouver le bon
mélange qui permet d’obtenir le régime maximum. Ce régime est trouvé à l’oreille, le compte-
tours ne servant qu’à fignoler après achèvement de la manœuvre de décollage. Tant que l’avion
n’est pas queue haute sa position très cabrée oblige à pencher la tête hors de l’avion pour regar-
der devant, le long de la carlingue et, dans cette position, les rares instruments de bord sont bien
oubliés.
J’accompagne le manche qui va au tableau et le palonnier poussé presque à fond de course pour
compenser le couple, et du couple il y en a !
L’avion lève rapidement la queue, se hissant sur ses pattes d’échassier. L’accélération est excellente
grâce au bon règlement de la grande hélice et la vitesse de décollage est très rapidement atteinte.
Un généreux pallier au ras du sol suit le décollage pour acquisition du confortable excédent de
vitesse constituant la seule défense au cas ou surviendrait la panne au décollage qui n’est pas du
tout rarissime. La pente de montée est très bonne car le profile creux du Morane 35 est bien adapté
aux basses vitesses et aux grands angles. Nous atteignons rapidement l’altitude de 800 mètres
recherchée ce jour là pour ce premier vol d’initiation.
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