Page 15 - C'est la Faute aux Oiseaux
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Je revois Monville le lendemain, il a compris que je ne me prends pas pour Fronval et que ma

        ridicule démonstration exprime simplement une envie trop longtemps contenue de faire de la
        maniabilité et de la voltige.  Commence alors une période enthousiasmante de perfectionnement
        au pilotage et de vraie voltige aérienne sur les Morane F-AIJG et F-AIGA qui ont des voilures,
        et donc des réactions, très différentes. À l’issue de cette période, je deviens moniteur-adjoint au
        chef-pilote Monville et jamais plus aucune divergence ne se produira entre nous.

        Les avions, bien sur, ce sont des machines, mais assurément ce ne sont pas des machines comme
        les autres. C’est aussi le cas des bateaux à voiles. Au hangar un avion est lamentable : les com-
        mandes sont molles, les gouvernes pendouillent, les aiguilles sont figées. Dès la mise en route,
        tout commence à s’animer : les aiguilles bougent et parlent leurs langages,  le vent relatif com-
        mence d’exister.
        On roule comme marche un albatros, misérablement. Et puis on met la gomme et le miracle se
        produit… L’avion se rue droit devant lui, le vent relatif devient relatif ouragan, les commandes
        durcies sont vivantes dans la main, tout l’avion devient vivant et le pilote ne sait pas si l’avion

        le prolonge ou s’il prolonge l’avion, la vitesse libère de la pesanteur et ouvre les portes du ciel.
        Lorsque je passe mon brevet de pilote ces portes n’ont pas de nom, elles ont un nom aujourd’hui,
        V1, V2, comptent maintenant mes camarades en franchissant les portes précédentes, celle qui
        débouchent sur le ciel. Dès que les roues quittent le sol la balourdise fait place à une extraordinaire
        agilité, l’avion est entré dans son élément : le vent relatif.

        On peut s’amuser à jouer avec les mots, on peut s’amuser à jouer au misanthrope et dire :
        – Il en est des rêves comme des gens : Peu de gens gagnent à être connus, peu de rêves gagnent
        à être vécu.
        Raison de plus pour vivre le plus ancien des rêves de l’homme : voler comme font les oiseaux.

        C’est un rêve qui gagne à être vécu. Raison de plus pour connaître des gens qui gagnent à être
        connus : les gens de l’aviation, les gens de la famille aéronautique : les pilotes, les mécanos…








































                  Du nord au sud : les aérodromes d’Oran-La Sénia, Djebel-Kallel et Mascara-Saint André

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