Page 37 - C'est la Faute aux Oiseaux
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Vol à voile au Djebel-Kallel



        – Quinze pas et courir !

        – Un deux… quatorze, quinze ! Courez ! Larguez !
        Le planeur repose sur une bande de rouleaux transporteurs face au vent. Un équipier de bout
        d’aile tient le planeur en équilibre sur son patin d’atterrissage.

        Du crochet fixé à l’avant de la carlingue partent en V deux brins de fort sandow terminés par de
        fortes cordes à nœuds : chaque brin et son cordage mesure environ vingt mètres.
        À l’arrière du planeur est fixé un anneau permettant le passage d’un cordage dont une extrémité

        est fixée à un piquet d’acier profondément enfoncée dans le sol, le cordage fait retour au piquet
        pour un tour mort après lequel son extrémité libre est solidement tenue en main par un équipier
        assis au sol.

        À chaque brin du V s’attelle un groupe de quinze à vingt équipiers.

        Quand le moniteur commande : – Quinze pas et courir, les équipiers de traction avancent en comp-
        tant leur pas à voix forte pour que les tractions des deux groupes soient sensiblement équivalentes.
        Aux abords du quinzième pas, les équipiers de traction sont au bout de leur possibilité d ‘effort et
        piétinent sur place. Si on cherche à les faire tirer d’avantage ou si on les oblige à tenir la position
        ils sont ramenés cul par dessus tête vers le planeur ou bien libèrent les cordes de traction que les
        sandows envoient caresser le pilote et le planeur, cela arrive de temps à autre.

        Le moniteur surveille donc les équipiers de traction et dès qu’ils les jugent au bout de l’effort
        possible, il commande d’un même souffle : – Courez !... Larguez !
        – Courez s’adresse aux équipiers de traction.

        – Larguez s’adresse à l’équipier fainéant qui retient le planeur et laisse filer son retour de câble
        au commandement.

        Le planeur gicle alors en avant, décolle et vole, aidé un instant encore par les équipiers de trac-
        tion qui en courant, réalimentent le sandow en énergie. Puis le planeur dépasse les équipiers de
        traction, le sandow se décroche et le pilote peut alors manœuvrer librement en direction.
        Techniquement, le centre de vol à voile de Mascara-Djebel Kallel est d’une utilisation assez
        acrobatique parce que le terrain d’envol et d’atterrissage est situé au sommet de la grande pente

        qui engendre les courants dynamiques ascendants utilisables pour les vols de durée. Une petite
        pente permet la pré-formation des élèves-pilotes.

        On peu dire que, durant de longs mois, ce centre est en quelque sorte un Bagne-Paradis.
        C’est un bagne en ce sens qu’aucune source d’énergie n’est disponible hormis celle que fournissent
        les bras des stagiaires et le vent. C’est un paradis en ce sens qu’on y vit en joyeuse liberté, au sein

        d’une nature sauvage et grandiose, en pratiquant un sport aérien merveilleux… sans bourse délier !
        Tout cela commence par une exploration systématique de toutes les montagnes de la région de
        Mascara. En compagnie de mon épouse, endurante et patiente comme sont les filles de notre Bre-
        tagne, nous allons en carriole par les sentiers presque impraticables, mettant pied à terre dans les
        passages vraiment trop scabreux, puis marchant et escaladant sur de longs kilomètres, accueillis

        très amicalement dans les douars de nos compatriotes de cette époque, notant les vitesses et les
        directions du vent, testant la puissance des ascendances en y projetant ce qui nous tombait sous
        la main ou bien des disques animés d’une rotation.


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