Page 34 - C'est la Faute aux Oiseaux
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▲ De Bucarest à Miroshi, le vol du Caudron Phalène F-AMMS
Je fonce toujours vers l’est en comptant les rivières qui coupent ma route pour rejoindre le Danube
sur sa rive gauche, le grand fleuve est maintenant à une centaine de kilomètres sur ma droite.
Première rivière, seconde, troisième, je me situe pile sur ma route et à une centaine de kilomètres
de Bucarest.
Le temps s’est dégagé, le pare-brise, sec, est bien propre, et cependant je n’ai rien de mieux qu’en-
viron quatre kilomètres de visibilité horizontale. La nuit approche inexorablement, la visibilité
se réduit comme une peau de chagrin.
Le moment est largement venu d’arrêter cette mauvaise affaire. Bien sûr, avec une météo un peu
moins moche, je pourrais grimper aux instruments et trouver ce halo de lumière qui balise les
grandes villes, je l’ai fait plus d’une fois. Mais avec le type de temps d’aujourd’hui ce serait la
dernière idiotie à tenter pour couronner une journée déjà assez fertile en la matière.
Rapides, les maigres lumières d’un gros village passent sous l’avion qui bascule immédiatement
sur l’aile gauche et vire sec pour s’y accrocher. Les cercles concentriques s’élargissent faisant
défiler les haies, les bois, les champs, ils ne sont pas plus grand, les champs dans ce coin-là !
Comme d’habitude, mon regard s’adapte merveilleusement à l’obscurité envahissante. Mis à ma
place, un Hindou penserait avoir été hulotte au cours de quelques vie antérieures.
Enfin, paraît un grand rectangle, uniformément sombre, dont une trouée entre les arbres facilite
l’approche. Par chance, la trouée est face au vent dont j’ai repéré la direction lors du survol du
village, en observant les fumées. Ce sera le bon champ, le champ d’aviation des premiers jours.
Un passage vite fait, au ras du sol, sur un axe soigneusement délimité, pour détecter le petit fos-
sé, la clôture, la herse oubliée, l’un de ces mille riens du tout qui peuvent faire qu’une approche
impeccable se termine par un atterrissage parfaitement catastrophique.
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